Cet article qui parle surtout de l'autisme peut se lire aussi dans la sphère
de la schizophrénie ou de tout autre maladie mentale dans ce qu'il interpelle
sur le clivage entre les différents points de vue génétique cognitivisme neuro
sciences et psycho-dynamiques
A paraitre dans "medecine et enfance" Geneviève HAAG psychiatre et
psychanalyste (SPP)
Comment
les psychanalystes peuvent aider les enfants avec autisme et leurs
familles
L'urgence est
de lutter contre le clivage qui continue à sévir entre les points de vue
cognitiviste, génétique, et des neurosciences d'une part et les points de vue
psycho-dynamiques.
La
psychanalyse s'intéresse à tous les aspects du développement de la psyché ( a
réalisé beaucoup d'approfondissements pratiques et théoriques en abordant
progressivement des psychopathologies de plus en plus graves. Ses recherches se
sont entrecroisées avec d'autres domaines d'études développementales, par
exemple pour le champ qui nous occupe,avec celles du Pr A Bullinger sur les
sensorialités et les plateformes sensori-toniques et tonico-émotionnelles [1] ou
celles du Pr C. Trevarthen sur le dialogue émotionnel dans les échanges sonores
très précoces, ou encore celles de J. Nadel [3] sur l'imitation. Nous avons
également attaché une très grande importance à l'approfondissement du
développement précoce par l'observation naturaliste du nourrisson dans sa
famille (méthode E. Bick [4])
Notre souci,
et celui des patients, est: comment la psyché essaie de se construire malgré des
handicaps dont le substrat neurophysiologique est patent et/ou dont les éléments
génétiques de prédisposition sont recherchés, comme dans la schizophrénie, la
psychose maniaco-dépressive etl'autisme. Mais les facteurs environnementaux,
parmi lesquels les facteurs relationnels sont très importants ont une influence
de plus en plus reconnue sur l'expression du génome (épigenèse) et influent
aussi sur le développement cérébral précoce.
En tout
cas, c'est la possibilité d'une influence environnementale qui nous donne
l'espoir d'avoir un certain impact tant sur le plan éducatif que thérapeutique,
et ceci le plus tôt possible.
Mais si les
psychanalystes mettent davantage l'accent sur le primum movens d'une
dysrégulation émotionnelle plurifactorielle, cela ne veut pas dire qu'il ne
considèrent que les facteurs environnementaux La plupart sont aussi à l'affût
des recherches neurophysiologiques et biologiques qui viendraient confirmer une
prédisposition qu'ils ressentent souvent le « traitement» des émotions est aussi
dans le cerveau. L'augmentation des hormones de stress mises récemment en
évidence par la recherche clinico biologique de S.Tordjman [5] semble l'un des
chaînon importants à considérer. Quoi qu'il en soit, ces dysrégulations
entravent autant le développement de toute la personnalité que les processus
cognitifs d'autres courants mettent plus l'accent sur l'hypothèse de troubles
cognitifs spécifiques: troubles de~réceptions sensorielles (M. Zilbovicius) [6],
qui pourraient rejoindre les travaux psychanalytiques sur le démantèlement de
l'appareil de perception, défaut de « théorie de l'esprit» (U. Fritz) [7]. qui
pourraient rejoindre les travaux psychanalytiques de longue date sur les
identifications. Nous aurions tout intérêt à nous coordonner pour avancer plutôt
que de déclarer chroniquement que «la» découverte scientifique du moment
confirmerait l'origine cérébrale ciblée de l'autisme et battrait en brèche toute
considération de psychopathologie dynamique. Or, les découvertes faites par les
psychanalystes qui ont longuement travaillé avec les enfants avec autisme depuis
maintenant plus de trente ans, sont importantes et rejoignent complètement les
autobiographies de sujets avec autisme(T Grandin D Williams [8] ) ainsi que des
repérages actuels de chercheurs non-psychanalystes tels que ci-dessus
mentionnés.
- 1 - Les
traitements psychanalytiques des enfants et adolescents avec
autisme
A)
Aménagements techniques
La
psychanalyse a été adaptée aux enfants à travers la technique du jeu spontané
[9],qui a des rapports avec le rêve. Mais est-ce possible avec les enfants avec
autisme qui ne jouent pas? [10]. Nous avons découvert qu'ils sont en fait
capables de répondre, à une attention ouverte à leurs difficultés, par
l'association libre, fondement de la .technique psychanalytique, en utilisant au
départ, non pas les jouets, qui doivent cependant être à disposition ainsi que
des livres d'images, mais leur corps propre, le mobilier, à -un niveau en effet
trés primitif de symbolisation qu'ils nous ont aidés à préciser. Cela suppose la
formation des thérapeutes au décryptage du langage corporel et spatial en
exerçant l'observation minutieuse de toute l'expression corporelle, tout en
recevant ce qui nous était parallèlement donné à ressentir. Nous avons pu
rejoindre les repères développementaux de la même construction du moi corporel
dont les bébés, à partir au moins du 2e trimestre de la 1ère année, semblent
bien conscients.
Les travaux
d'E. Bick [11]. de F. Tustin [12] et de D. Meltzer [13], avaient déjà grandement
déchiffré ce langage préverbal, déchiffrage que nous avons poursuivi et qui
n'est certes pas terminé. On est amené à une permissivité relative du contact
corporel, sans toutefois le chercher ni le favoriser; les élans affectifs,
lorsque l'enfant s'en défendra moins, iront vers les parents. Nous utilisons en
effet un concept du transfert et du contre-transfert élargi à la reproduction,
dans la relation thérapeutique, des angoisses et des défenses archaïques ainsi
que des modalités identificatoires primitives, que nous appelons adhésives
depuis E. Bick (1975) (collages corporels et agrippements sensoriels) et
projectives (tentatives de pénétration corporelle et psychique dans l'autre),
dans les versions normales et pathologiques de ces identifications. Le but est
de communiquer au sujet souffrant d'autisme le maximum de compréhension car
celle-ci fait partie des facteurs environnementaux qui facilitent la
construction de la contenance corporelle et émotionnelle. La compréhension juste
est la plus efficace mais aussi la plus difficile puisque les repères
développementaux sont perdus.
C'est
pourquoi nous devons nous combiner étroitement, parents, éducateurs, enseignants
et psychanalystes, ceux-ci devant communiquer les principales découvertes que
les patients les ont amenés à faire concernant leurs vécus émotionnels et la
construction de leur personnalité. Pour les cas à risque d'évolution autistique
dépistés très tôt, les consultations thérapeutiques hebdomadaires ou
bimensuelles parents-bébés doivent être instaurées très tôt (G. Crespin [14] ) ;
on peut aussi utiliser avec efficacité l'observation thérapeutique à domicile
qui nécessite une formation particulière (Houzel, [15]).
Un traitement
individuel peut s'instaurer dès l'âge de 2 ans 1/2 (Houzel, ibid. ; M.C.Laznik
[16]) mais une période de séances mère ou parents/enfant est souvent nécessaire
au départ. On peut aussi envisager des traitements en tout petits groupes avec
deux thérapeutes (Urwand, Haag [17]). Le rythme souhaitable des séances
individuelles est de trois àquatre seances hebdomadaires.Il est souvent
difficile d'en installer plus de deux. Une seule risque d'être bien peu
efficace.Les groupes se font plus souvent à raison d'une ou deux fois par
semaine.
B) Les
processus
1/
Révélations faites par les enfants avec autisme eux-mêmes de leurs
vécus corporels et spatiaux angoissants, plus ou moins colmatés par les
stéréotypies et rituels, mais qui handicapent leurs explorations
spontanées.
Ces vécus
sont des sensations de' chute, et de liquéfaction, en rapport avec des
effondrements toniques le plus souvent insoupçonnables derrière des
enraidissements, des mouvements rythmiques ou des agrippements sensoriels
(lumière, son, vertige labyrinthique), mais parfois « réalisés» de manière
brusque lors de séparation corporelle (fin de séance dans le cadre
thérapeutique), de changement imprévisible, ou de débordement émotionnel:
l'enfant s'écroule alors comme un tas de chiffons. Ceux qui parlent peuvent
ajouter des évocations d'écoulement et/ou d'engloutissement tourbillonnaire, tel
l'enfant Paul qui, après une longue séparation d'été, s'effondre ainsi en fin de
séance de retour et dit avec un filet de voix tremblée, très angoissée « On va
pas couler dans les W.C... » Une fillette sans langage verbal, cherchant à
répondre au questionnement sur son enraidissement corporel global
quasi-permanent, verse de l'eau par terre et désigne la flaque, tout en laissant
tomber comme une flaque, à côté, une peluche toute molle, vidée de sa bourre.
Pour ce qui est de la chute, les enfants font de nombreuses mises en scène
d'objets qui tombent au bord des tables des rebords architecturaux, des sièges
etc. Certains se perchent eux-mêmes sur ces rebords architecturaux, comme des
alpinistes contre la paroi et nous communiquent ainsi la peur qu'ils ne
tombent.
Les enfants nous ont également indiqué la nature de leurs peurs de la
rencontre du regard qui semblent avoir deux composantes, combinées ou
non.
- - peurs
prédatrices (l'oeil-bec) démontrées souvent avec des objets pointus dirigés vers
nos yeux, ou passant à côté en frôlant notre tête; « racontées», àune étape plus
évoluée, sur des images ou des objets ou avec des marionnettes' grands becs
d'oiseaux désignés de manière insistante parallèlement aux "yeux d'autres
animaux; index fondant comme un épeNier sur les yeux d'un enfant dans un livre
d'images;
- peur de
tomber de l'autre côté des yeux ou de la tête d'autrui, cela est mimé de
diverses manières; nous comprenons que le défaut ou la faiblesse d'introjection
de la contenance corporo-psychique est projeté sur la tête de l'autre, nous en
reparlerons.
Nous
observons, dans les cas les plus graves, l'absence de perception du pourtour de
la bouche, ce que j'ai appelé «l'amputation du museau» c'est-àdire de la zone de
contact dans le nourrissage, qui se manifeste par des bouches flasques,
coulantes, ou bien sa perception est si fragile qu'il faut y entretenir des
excitations trop dures (objets durs, remplissages excessifs). Lorsque les
enfants retrouvent cette sensation par des explorations intenses des objets, des
murs avec la langues et les lèvres ils réalisent des jonctions main-bouche
jusque là inexistantes. Les fluctuations obligatoires dans cette trouvaille, ou
retrouvaille provoquent des crises très angoissées de « dépersonnalisation » où
l'on peut voir l'enfant se « rattraper la bouche» en hurlant
Nous
observons également des négligences d'un hémicorps que j'ai appelé « hémiplégie
autistique», ou bien le besoin de se coller latéralement au corps de l'autre. le
symptôme bien connu de prendre le bras ou la main de l'autre pour obtenir ou
faire quelque chose appartient à cette prob1eméitique ; la technique de «
communication facilitée» en est une application pratique, de découverte
empirique.
On peut
observer plus rarement une négligence des membres inférieurs réalisant une
pseudoparaplégie et pouvant gravement retarder la marche. Tous ces symptômes se
sont révélés, chemin faisant, en lien avec la non-constitution, la perte, ou la
fragilité des bases de l'image du corps, les « représentations du corps» dit A.
Bullinger, principalement le sentiment d'enveloppe c'est-à-dire être dans sa
peau », avec son noyau interne autour de l'axe langue/mamelon relayé par le
pouce autoérotique . défaut de constitution des grands axes, vertical et
horizontal, qui attachent, « membrent » solidement le corps, ce que certains (O.
Meltzer) appellent le « squelette interne».
Les enfants
avec autisme qui progressent dans la communication sont conscients du processus
de construction ou reconstruction de ces formations et cherchent à nous
l'expliquer, tout d'abord en langage préverbal dans des séquences de
comportement répétitives et insistantes, qui se retrouvent d'un cas à l'autre,
et nous forcent à les décrypter
- 2/
Reconstruction du moi corporel
Voici comment
les enfants avec autisme, les uns après les autres, résument le processus de
formation de cette contenance-peau, que nous appelons aussi « enveloppe» . il
faut combiner le tactile - principalement celui du dos, qui est le premier
contact accepté ou recherché par les enfants (Soulayrol [18]) et qui draine les
échanges rythmiques dans le sonore etprobablement les autres sensorialités de
proximité - avec l'intense pénétration du regard. cela fait une enveloppe
circulaire ou plutôt sphérique tout autour du corps et tout d'abord de la tête
[19]. Cela va de pair avec un réinvestissement de la bouche et de la zone
péribuccale évoqué plus haut. Cette première sphère englobe aussi la main. Nous
reconnaissons là ce qui se passe dans les premiers mois de la vie. soutien
dos/nuque, enveloppe sonore, intense oeil à oeil pendant le nourrissage, surtout
dans le deuxième mois.
L'étape
suivante est la consolidation des grands axes du corps, qui sont souvent non
constitués ou très fragiles, donnant des enfants pantins ou plus souvent des
enfants reès enraidis tentant de se tenir debout sur leur propre rigidité
musculaire. Là aussi ce sont les démonstrations insistantes des enfants qui ont
forcé notre compréhension: le côté dominant du corps est fortement identifié au
corps et aux fonctions de la mère ou du personnage maternant réactualisé dans le
transfert sur le thérapeute, et la communication entre bébé et mère se rejoue
d'un côté à l'autre du corps dans les jeux de mains en intégrant l'axe [20]
[21J.
Nous avons
des démonstrations similaires pour l'intégration des membres inférieurs, dont
les principaux signes sont répertoriés dans les articles sus-cités et repris
dans la grille de repérage des étapes évolutives de l'autisme traité que nous
avons établie avec des collègues [22]. Cette grille met en parallèle cette
reconstruction avec le développement, spontané. des explorations
çognitives_etcelui du langage- et de la . symbolisation. .
Toutes les
démonstrations des enfants, notamment du côté des reprises développementales
[23] sont parfaitement congruentes avec ce que nous donne la reprise de
l'obseNation du développement évoquée au début de ce texte. Elles
s'entrecroisent aussi très bien avec les apports des repérages cognitivistes qui
ont eu raison de souligner par exemple l'absence de pointage proto-déclaratif
que nous avions également remarqué comme une caractéristique importante, ainsi
que l'absence d'attention conjointe. Les enfants nous éclairent, par ce que
j'appelle leurs « narrations préverbales », sur certaines articulations entre
ces différents signes en les reliant à la fragilité de la contenance et en les
mettant dans la filière des processus identificatoires que nous avons pu ainsi
mieux comprendre.
L'évolution,
même favorable, n'est pas linéaire, elle est émaillée de crises qu'il faut bien
connaître. En effet, dans les processus thérapeutiques, lorsque ce que nous
appelons le « dégel pulsionnel» survient, il est souvent volcanique et donne
lieu à de nouveaux troubles du comportement comme les agressions joyeuses du
visage: griffures, tirage des cheveux, voire morsures qui sont le témoignage
d'un amour oral par rapport auquel il faut faire ou reprendre ce que l'on fait
normalement dans le deuxième semestre de la vie faire respecter la limite de la
peau, aider à transformer en caresse, mais surtout théâtraliser la dèvoration
jeu de lion), ce qui est l'un des paliers importants d'instauration du
faire-semblant qui manque tellement aux enfants avec autisme. Dans le même temps
peuvent se multiplier les crises de tantrum (selon le mot de F Tustin. crises
émotionnelles dans le vocabulaire cognitiviste), qu'il est très important de
comprendre et de gérer avec les parents et les autres intervenants. Ces crises
mêlant rage et angoisses corporelles, surviennent dans la prise de contact avec
la réalité et ses frustrations là où auparavant l'enfant aurait colmaté avec des
stéréotypies. Elles sont très éprouvantes et peuvent durer entre dix minutes et
une heure. Mais, parallèlement, la communication s'améliore.
Un autre type
de crise, plus tardive, est le surgissement d'états maniaques (plus ou moins
grande excitation souvent sexualisée), nécessitant la même coopération étroite
pour comprendre les angoisses dépressives qui sont en arrière-plan avec surtout,
pour l'enfant, une auto-dévalorisation correspondant d'un côté à une plus grande
conscience de son état, de sa différence, de son décalage développemental, des
bizarreries d'adaptation sociale dues à son plus ou moins long retrait, mais
aussi à la nuance mélancolique de cette dépression qui comporte des éléments de
destructivité : c'est vraiment le rôle des psychanalystes de travailler cela
pour essayer de contenir le mieux possible cette crise dans 'a relation
thérapeutique. Celte crise, si elle arrive au moment de la puberté, peut se
combiner à l'excitation pubertaire, ce qui ne peut qu'amplifier le caractère
d'excitation sexualisée. Le recours à une aide médicamenteuse transitoire peut
être nécessqire, mais son ajustement est souvent difficile à cause de réactions
souvent paradoxales.
Le
développement du langage est très variable, souvent partiel [24]. La tonalité de
la voix a du mal à se mettre en place (voix haut percbées, rnonocorde). Il, faut
dire que le rapport des autistes au sonore est très particulier, avec
probablement un trouble instauré dès la vie prénatale. Il existe une
hypersensibilité à certains bruits (machine trépidante, perceuse, tondeuse...),
mais peut-être aussi au bruit de l'articulation consonantique de la parole (le
dur de la parole). On est donc obligé de musicaliser beaucoup sa voix, certains
enfants ne se démutisent d'abord qu'en sons vocaliques ou en chansons. L'étude
neurophysiologique récente, répercutée dans les médias en annonçant que les
autistes sont « imperméables à la voix humaine », à partir du constat de la
non-activation chez 4 des 5 adultes avec autisme de l'aire spécifique de
réception de la voix, nous semble une conclusion très hâtive. Certes les sujets
avec autisme sont fréquemment en état de non réceptivité de la parole;
cependant, nos observations cliniques nous font présumer qu'il y a bien une
reconnaissance de la voix mais dont l'entrée serait en quelque sorte filtrée par
une triple exigence: une suffisante douceur et musicalité, l'adéquation du
contenu à leurs préoccupations notamment de leurs vécus corporels, et pour
certains l'adresse, indirecte, du commentaire émotionnel.
C/
Résultats
Nous sommes
bien d'accord que la prise en charge psychanalytique, si elle n'est pas combinée
étroitement avec les efforts éducatifs, le dialogue fréquent avec les parents et
le travail de soutien à domicile, ne peut suffire, mais en échangeant nos
expériences entre psychothérapeutes de formation psychanalytique, nous pouvons
affirmer que nous avons aidé un certain nombre d'enfants avec autisme de bon
niveau intellectuel à évoluer avec beaucoup moins de séquelles, notamment
obsessionnelles avec rigidité de la pensée telles qu'elles sont décrites dans la
littérature depuis Kanner, et aussi avec une meilleure contention émotionnelle
bien que cela reste le point fragile; mais les patients en sont alors conscients
et sont capables d'organiser les préventions nécessaires. Il faut aussi savoir
qu'il peut y avoir une aggravation transitoire des symptômes anxieux ou
obsessionnels pendant l'adolescence car elle réébranle le moi corporel .Nous
avons aussi travaillé avec des enfants déficitaires qui évoluent certes beaucoup
plus lentement mais qui nous parlrnt avec les mêmes démonstrations préverbales,
des mêmes représentations du développement du moi corporel et de ses aventures,
que les enfants de haut niveau au début de leur traitement. Il faut cependant
reconnaître que certains enfants, même vus très tôt dès la première année de la
vie et traités assez intensément, évoluent très peu sans que nous puissions,
dans l'état actuel de nos connaissances, comprendre toujours pourquoi. Ces cas,
malheureusement très éprouvants pour les familles et pour les intervenants,
mériteraient que l'on resserre d'autant plus les liens interdisciplinaires.
Malheureusement la souffrance et le sentiment d'échec poussent souvent aux
clivages et certaines familles rompent, nôus accusent d'impuissance et
s'engouffrent dans le clivage actuellement en cours dans les milieux
scientifiques eux -mêmes.
Le soutien-aux familles.
Il peut
prendre des formes différentes:
- - Les
consultations familiales de départ, alternant des entretiens avec les
parents seuls, et les parents avec l'enfant. Il s'agit tout d'abord de
communiquer les observations mutuelles, d'échanger les compréhensions intuitives
des parents et les compréhensions issues de notre expérience, de reprendre les
repères développementaux qui ont plusieurs raisons d'être embrouillés, de
laisser parler la souffrance et les interrogations forcément angoissées des
parents qui nous demandent souvent des éléments de pronostic qui sont très
difficiles à donner lorsque l'enfant est très jeune! Parlera - t - il, ou elle?
Quand? Nous n'avons pas actuellement de critères fiables de pronostic. Nous
pouvons pécher par trop d'optimisme ou de pessimisme. Le plus sage et le plus
fécond, mais aussi le plus difficile à maintenir, semble être de proposer une
étroite coopération pour suivre l'évolution pas à pas en cherchant les
meilleures prises en charge
pouvant favoriser le développement de l'enfant à
l'étape ou il est. Cela suppose, aussi bien de la part des parents que de celle
des professionnels, de pouvoir tolérer l'incertitude et, tout en prenant les
moments nécessaires de recul pour l'évaluation des différentes étapes, de se
focaliser sur tout ce que nous pouvons observer et comprendre de l'enfant qui
va, comme nous l'avons vu,dans les évolutions les plus favorables traverser des
« crises» qui peuvent paraître souvent une aggravation. La notation soigneuse
des signes positifs en contre-point des crises anxieuses ou de nouveaux troubles
du comportement peut seule redonner espoir
- - Le
soutien à domicile est un volet important de la prise en charge Bien avant
l'installation des SESSAD, plusieurs équipes ont proposé ce soutien ne serait-ce
qu'une ou deux fois par semaine pendant environ une heure et demie afin de voir
ensemble avec les parents certains aspects du quotidien et chercher comment
essayer de renverser certains cercles vicieux qui se créent obligatoirement
autour des troubles alimentaires et de sommeil, de l'absence de jeux spontanés
chez l'enfant, ce qui aboutit à supprimer parfois l'espace de jeu au profit de
sollicitations seulement éducatives, souvent désajustés en raison de la perte
des repères développementaux évoquée plus haut Beaucoup de familles ont apprécié
ce soutien du « voir ensemble », et aussi de pouvoir communiquer et partager les
interrogations et anxiétés dans un rythme moins espacé que celui des
consultations. La visiteuse à domicile pouvait aussi, lors de l'intégration
scolaire, faire le pont pour la mise en selle de l'enfant, et l'accompagner dans
les lieux de loisirs pour soutenir les tentatives d'intégrations sociales. Les
SESSAD peuvent maintenant apporter le soutien d'interventions plus fréquentes et
variées. Ce travail demande une grande délicatesse de la part des intervenants
et un grand respect du rôle des parents
- Les
demandes ou propositions d'aide psychothérapique individuelle ou
groupale
Autour d'un enfant autiste, il est difficile de « garder le
moral» même si l'on n'a pas de tendances dépressives ou anxieuses.Les couples
peuvent être ébranlés.Certains parents demandent ou acceptent une psychothérapie
personnelle, ou de couple, qui peut leur être proposée. On peut aussi envisager,
dans certains cas de plus forte résonance des troubles de l'enfant dans le
groupe familial, des thérapies familiales analytiques qui servent en même temps
de soutien pour les frères et soeurs, qui sont également éprouvés; elles sont
réalisées généralement à un rythme hebdomadaire ou bimensuel avec deux
thérapeutes; les « associations librescirculent entre les parents, les activités
ludiques (jeux, dessins) des autres enfants, et les expressions en langage
corporel de l'enfant autiste parlant ou non parlant, dont on peut ainsi mieux
repérer le sens tous ensemble; celte thérapie peut être préalable, ou parallèle,
ou postérieure, à la thérapie individuelle de l'enfant; c'est le thème groupai
qui se dégage qui est retenu et interprété par les thérapeutes, ; il est fait
des « résonances» entre les angoisses archaïques de l'enfant et celles que nous
avons tous au fond de nous même av~c notre psychisme trés complexifié et
articulé avec nos héritages transgénérationnels, pleins de richesses mais aussi
parfois de drames terribles qui peuvent faire irruption dé)ns le thème groupai
et être compris.
- Certaines
équipes font aussi des groupes d'expression pour la fratrie qui sont très
appréciables
Ces
soutiens spécifiques offerts par les psychanalystes ne sauraient remplacer le
soutien et l'aide concrète que peuvent trouver les parents dans leurs
Associations: partage des difficultés avec le réconfort de la profonde
empathie et sympathie que peut éveiller la difficulté commune échanges
d'informations de toutes sortes, union pour cerner les besoins et réclamer avec
force les équipements nécessaires pour le suivi des enfants, des adolescents et
des adultes. Mais il est tout à fait navrant que certaines Associations se
soient braquées dans un clivage absolu entre les perspectives éducatives et les
perspectives thérapeutiques même s'il est vrai que certaines fractions du monde
psychanalytique, qui garde ses divisions et ses conflits autant que d'autres
mondes scientifiques, aient pu prendre des positions, et encore peut-être
maintenant malheureusement, qui peuvent culpabiliser en restant sur l'idée d'une
psychogenèse pure, ou en tout cas ne pas aider les parents à se déculpabiliser
car quel est le parent qui ne se culpabilise pas si son enfant ne va pas bien?
En tout
cas,cessons d'assimiler les positions de l'ensernble du courant psychanalytique
actuel à celles de B Bettelheim il y a 50 ans et affirmons que plusieurs
courants ont développé des recherches cliniques qui peuvent parfaiteement et le
devraient beaucoup plus que maintenant s'articuler avec les neurosciences et des
projets éducatifs car toutes lespropositions en cours (TEACH, PECS, etc.)
vis-à-vis desquelles certains crient maintenant prudence par rapport à leurs
aspects trop conditionnants et invitent à considérer davantage la vie
émotionnelle, contiennent beaucoup de repérages intéressants, mais l'on est loin
de l'élaboration d'une psychopédagogie définitivement au point comme le proclame
chaque nouvelle méthode,sans doute parce qu'on est loin de comprendre encore
tous assez bien les articulations multidimensionnelles de cegrave trouble
cognitivo-émotionnel.
Les psychanalystes peuvent, dans cette recherche
également, apporter leur «grain de vérité» disait F. Tustin pour l'articuler aux
autres.
Résumé:
Les
psychanalystes ont adapté la méthode de l'assooiation libre en prenant en compte
le langage corporel des enfants avec autisme qui nous ont révélé la nature de
leurs vécus crispés sur les stéréotypies. La principale panne développementale ,
quelles qu'en soient les causes, semble la non-constitution ou l'effondrement
des premières constructions du moi corporel permettant à la fois d'être dans sa
peau et de contenir les émotions. Le débordement émotionnel à la réception de la
voix, à la pénétration du regard semble couper, dissocier le développement des
réceptions sensorielles et de leur organisation perceptuelle permise par la
fonction d'attention, et aussi gravement entraver le développement cognitif. Ces
observations et ces hypothèses s'entrecroisent et se discutent avec les
recherches cognitivistes, neurophysiologiques et génétiques
{favori}